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Lana Del Rey – Born to Die

Souvent hermétique aux buzz musicaux, j’ai suivi l’ascension de Lana Del Rey de loin. Puis à force de la voir faire la une des magazines j’ai commencé à m’intéresser un peu au phénomène alors que quelques polémiques ont fait surface. Propulsée icône hipster grâce au site Pitchfork et à son clip Video Games mis en ligne sur Youtube. La légende veut que sa maison de disque l’ait repérée sur internet. Depuis, nombreux sont ceux qui doutent de cette version et pensent que toute cette campagne virale aurait été organisée par Universal.

Lana Del Rey tournait depuis plusieurs années sous le nom de Lizzy Grant, soutenue par un père millionnaire avant de revoir son identité musicale et trouver ce pseudo qui pourrait être celui d’une pornstar. Sa récente prestation à Saturday Night Live a terriblement écorné son image : on y voit une femme fragile, hésitante et à la voix sans assurance… Reste donc les 12 titres de son premier opus pour juger une bonne fois pour toute ce que vaut vraiment Lana Del Rey.

L’album débute avec Born to Die, ça tombe bien c’est le nom de l’album. La chanson est déjà connue puisqu’il s’agit du troisième single de Lana Del Rey. Personnellement je la trouve très ennuyeuse, monotone et le clip à l’imagerie Lolita mi-hipster mi-porno chic me donne encore moins envie de lui trouver des circonstances atténuantes. Les phrasés sont déséquilibrés, la mélodie faible, la voix monochorde et mollassonne, seul l’orchestration essaie de donner un peu de relief avec les cordes et une belle intro aux violons et ses relents de musique de film. Côté rythmique, on reste dans l’ultra binaire et le beat sur les couplets semble avoir été réalisé avec une boîte de conserve vide. Si par moment on ressent une ambiance enveloppante, notamment grâce à la voix grave et lascive de Lana Del Rey, la faiblesse de la composition effraie un peu… va-t-on s’ennuyer comme ça pendant tout l’album ?

Le deuxième titre de l’album est le surprenant Off the Races. La chanson avait déjà leaké sur le net depuis un moment. Surprenants avec son flow et un grain très soul, Off the Races décolle avec l’entrée de sa rythmique hip hop. Timbaland n’est pas loin. Si le style est intéressant, on regrettera la simple répétition des différentes parties, l’exercice méritant sans doute une structure plus complexe, encore plus déroutante. Si la voix me semble trop timide, je comprends mieux pourquoi Lana Del Rey aime à se considérer comme une « Gangsta Nancy Sinatra », même si le mot gangsta étonne venant d’elle d’autant que Off the Races manque cruellement de passion et d’excentricité… la faute à sa jeunesse dorée ?

Les 4 premiers titres de l’album sont en fait l’enchaînement des singles de Lana Del Rey. Ainsi, on retrouve Blue Jeans comme troisième piste et Video Games en quatrième position. Ce choix de tracklisting est assez étrange de mon point de vue. On croirait un EP Best-of de l’album… Mais revenons à nos chansons. On ne présente plus Video Games, son orgue et sa voix noyée dans la reverb. La mélodie et la douceur de ce tube en font déjà un classique malgré les récentes rumeurs de plagiat. Blue Jeans donne dans l’ambiance western et seventies, une réminiscence de Shivaree, une chanson efficace et qui retient l’attention. Si Lana Del Rey possède une belle voix, je trouve regrettable qu’elle n’y mette plus d’attaque, notamment quand elle chante dans les graves. Ce constat vaut malheureusement pour tout son album.

Viennent ensuite Diet Montain Dew, avec sa grosse caisse prédominante, l’ambiance soul que maîtrise la voix de Lana Del Rey et une rythmique hip hop, puis National Anthem dont l’introduction de quelques secondes vous rappellera les violons de Bitter Sweet Symphony. La comparaison s’arrête là puisque National Anthem est plutôt un langoureux trip hop servi par un refrain énergique (pour une fois!). La moitié de l’album vient de passer, j’attends une cassure, une surprise, un tournant, voire même une claque si ce n’est pas trop demander…

Je vais de suite trahir le suspens, cela n’arrivera pas. Pire encore, c’est le très lassant Dark Paradise qui pour la première fois va me faire passer à la chanson suivante au bout de deux minutes d’écoute. La chanson débute tel un copié/collé de Video Games avec une batterie en plus. Tout est prévisible et le manque de relief est criant. Le constat est à peu près le même pour le huitème titre, Radio. La voix langoureuse vient de poser sur les nappes de synthés, on caresse du velours puis, au lieu de rester tout en retenue, la chanson s’emballe sur un rythme déjà trop entendu sur l’album. Les voix doublées sont bourrées d’effet jusqu’à en étouffer l’instrumentation. C’est mou et répétitif au point que je me demande si Lana Del Rey ne s’est pas ennuyée en enregistrant les prises.

Heureusement, le dernier tiers de l’album relève le niveau. Le très romantique Carmen propose un arrangement qui ne masque pas l’orchestration avec la voix et Million Dollar Man nous replonge dans l’ambiance rétro que Lana Del Rey sait rendre sexy. La mélodie très pop manque d’originalité mais la chanson est agréable à écouter, avec son piano jazzy, une batterie jouée aux ballets et une descente chromatique pour l’ensemble de cordes. C’est propre et efficace… même si les effets et la compression étouffent ce titre qui méritait plus de subtilité et de légèreté. Summertime Sadness ressemble à une synthèse de tout ce qu’il y a de bien dans cette album. Dernier titre, This is what makes us girls commence comme un copié/collé de Video Games… j’ai déjà lu ça quelque part. Le refrain me fait beaucoup penser à Bat For Lashes, et préférer l’original à la copie ! Cette chanson doit son salut à son refrain entêtant.

Voilà, j’ai écouté Born to Die, le premier album de Lana Del Rey et je ne sais pas trop comment le décrire. Si l’album est taillé pour les masses avec en prime une touche rétro par ci et une touche de hip hop par là, il n’en demeure pas moins bourré de faiblesses que quelques bons morceaux ne peuvent masquer. Je ne me permets pas de dire qu’il est mauvais car ce serait être de mauvaise foi. J’ai entendu de bonnes chansons et tous ceux qui attendaient que Lana Del Rey se plante avec cet album seront déçus.

Confiant être autant influencée par Britney Spears, Elvis Presley et Kurt Cobain, Lana Del Rey est bien une artiste de sa génération… n’ayant pas peur des grands écarts parmi les tétrabytes de mp3 qu’elle a dû ingurgiter depuis son adolescence. J’ai pourtant entendu d’autres influences pendant Born to Die comme Shivaree, Bat For Lashes et même Fiona Apple ou Lykke Li. Le NME en décembre dernier allait même plus loin en citant Sheryl Crowe… Comme beaucoup de ses contemporains, Lana Del Rey semble en quête de son identité malgré une voix reconnaissable entre toutes et la singularité de son chant, un univers reste encore à construire.

Mais au final, ce qui m’a le plus surpris, c’est l’absence de musique, oui j’ai bien écrit l’absence de musique ! Si les orchestrations sont propres et agréables, elles n’ont aucune place. Les intros durent à peine vingt secondes, les parties instrumentales en milieu de chanson sont inexistantes et quasiment chaque titre s’arrête sur une phrase chantée de Lana Del Rey. Les basses et les guitares sont mises très en retrait, alors que ce sont précisément des instruments qui peuvent donner de la dynamique, de l’énergie.

Dans ce contexte, seule la voix de Lana Del Rey peut sauver la mise, donner du relief, hausser le ton, envoûter par sa présence, surprendre l’auditoire, nous gratifier de quelques envolées et se suffire à elle-même… Malheureusement, c’est tout ce qu’elle ne sait pas faire (est-ce par manque de talent ou de la paresse ?). Ses débuts sur scène l’ont d’ailleurs prouvé et cet album, par ses caractéristiques, son orchestration et ses effets ne sera pas évident à défendre en live. Je vous invite à faire un tour sur Youtube pour vous donner une idée des ses prestations scéniques et des progrès qui lui restent à faire. C’est inquiétant et ça discrédite complètement ses enregistrement en studio, en plus de faire douter de son potentiel et d’exposer au public un cruel manque de charisme.

Born to Die de Lana Del Rey. Sortie le 30 Janvier 2012.

4 réponses sur « Lana Del Rey – Born to Die »

Je ne suis pas vraiment d’accord avec tout le contenu de cet article, mais j’adhère concernant la mise en avant de la musique… En effet, je suis un peu deçue car c’est précisément ce qui m’avait boulversée lors de son concert à Cologne en Novembre 2011. La musique était puissante, et pour moi qui suit une grande fan de musique de film, c’était un régal du début à la fin, la voix, le jeux entre aigüs et graves était maitrisés à la perfection et sans jamais prendre le dessus sur la musique… Un des live les plus boulversant de ma vie. Et dans l’album tout est trop timide et trop lénifiant… Mais les textes me parlent tellement… Et puis dites moi aujourd’hui qui peut prétendre faire des meilleures live que sur l’album et cela sans playback? (demandez donc a Rihanna et autres Fergie…)

Bonne soirée…

merci pour ton commentaire,

tant mieux si tu as eu la chance de vivre ce concert ! apparemment sur scène la musique semble un peu plus présente… et c’est une bonne chose oui.
pour ta dernière remarque, il y a encore des groupes qui arrivent à donner de l’intensité à leurs concerts (je pense à hot chip par exemple), même si j’avoue que c’est de plus en plus rare :(

Je n’attendais pas grand chose de l’album tellement tout ça avait trainé et je n’ai pas été spécialement déçue ou enthousiasmée. C’était conforme à ce que j’attendais, bien et voilà. C’est vrai que les mélodies se ressemblent, mais ce n’est pas là dessus que je l’attendais. J’aime beaucoup ses textes, et les arrangements sont très bien. Et puis ça reste un premier album sur lequel on a fait beaucoup trop de bruit avant sa sortie. S’il était sorti plus tôt, les haters auraient moins détesté ;)

(et j’ai téléchargé une version 15 titres)

merci pour ton commentaire,
oui c’est sûr que l’attente est trop forte et à force d’avoir laissé monter le buzz ça risque de se retourner contre elle.

ps: ma version contenait 13 titres… mais apparemment l’album n’en contiendra que 12.

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