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Ça dure une minute

Les idées les plus simples sont souvent les meilleures. « Ça dure une minute » est un projet de David Do Van Minh dont le concept m’a séduit. Il s’agit pour ce jeune Directeur Artistique parisien, photographe à ses heures perdues, de filmer des portraits d’anonymes pendant une minute, sans parole. Le plan est fixe et le tout est shooté en noir et blanc.

Certes, d’autres projets similaires ont déjà existé auparavant. Je pense au Cinématon de Gérard Courant dans les années 80 qui consistait à filmer, en couleur, des personnalités du cinéma, sur des durées de 3 à 4 minutes. Evidemment s’agissant de célébrités et le plus souvent d’acteurs, l’exercice et surtout son résultat étaient très différents. Dans les années 70, Andy Warhol a réalisé une série appelée « Screen Tests ». Il filmait des personnes de son entourage, anonymes ou célèbres, en noir et blanc. Ses films pouvaient durer jusqu’à une heure, durée physique des cassettes magnétiques utilisées à l’époque. Ce projet artistique a fait l’objet de plusieurs expositions à travers le monde.

« Ça dure une minute » se distingue de ces deux démarches de deux manières : tout d’abord le format est limité, normé. Ensuite, il faut l’intégrer à l’environnement dans lequel il évolue. Réalisés en numérique, ces micro-films sont exposés sur internet et voués à être partagés sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’une différence majeure. C’est là où le temps prend tout son sens : confronter l’internaute, et non le visiteur d’un musée, à 60 secondes de silence, faire écho à sa passivité, le renvoyer à sa position parfois de « voyeur » mais surtout l’obliger à ne rien faire pendant ce temps si long lorsque l’on navigue sur internet et les réseaux sociaux, où quelque chose peut se passer à chaque seconde du temps présent.

Comme l’explique son auteur, le but de ce projet est de laisser la sincérité de chacun parler, d’observer les micro-gestes qui en disent plus long que des mots. Les visages face caméra regardent fixement l’objectif puis commencent à s’animer au fil des secondes : battements de cils, regards fuyants ou insistants, stress et tensions, sourires ou fou rire, rien n’est joué, aucune mise en scène n’est définie en amont, chaque modèle s’expose au naturel. L’Anonymat, l’absence de message et d’interaction peuvent parfois dérouter. Une minute c’est court mais c’est aussi très long. Il peut tout se passer. Il peut ne rien se passer. Pendant une minute, le visage communique sans qu’on ait besoin de parler.

Ce projet brut qui en dit très peu sur sa propre démarche questionne les deux parties… l’acteur et le spectateur. Que pense la personne qui est filmée ? Que fait-elle ? Où est-elle ? Et moi-même, à quoi je pense quand je regarde ces films ? Pour avoir été dans les deux positions, j’avoue que l’expérience est très intéressante, parfois déstabilisante. J’ai profité de l’occasion de cette rencontre pour poser quelques questions, en une seule minute, à David Do Van Minh :

Comment est né ce projet ?

J’ai toujours eu envie de faire des projets arty. J’avais pas mal d’idées que je ne mettais jamais en œuvre car je manquais de motivation ou de courage. Je me suis dit qu’il était temps de se lancer et de profiter de cette nouvelle année pour réaliser ce projet qui me tenait à cœur depuis plusieurs mois.

Pourquoi une seule minute en plan fixe ?

Une minute c’est court mais il peut se passer plein de petites choses. En photographie j’aime beaucoup les portraits, notamment pour l’émotion qui peut s’en dégager, et je réalise aussi des vidéos. L’idée était donc de mixer les deux et au gré des rencontres en soirée ou lors d’apéros de proposer à des anonymes de poser.

Pourquoi as-tu choisi le noir et blanc ?

Le choix du noir et blanc dépend de deux critères : je voulais une cohérence colorimétrique entre tous les portraits car je filme dans des conditions très différentes et surtout, le noir et blanc dégage une réelle intimité.

Nous avons ensuite échangé sur les possibilités d’évolution du projet. David Do Van Minh a déjà quelques idées mais rien n’est arrêté pour le moment, d’autant que « Ça dure une minute » vient de débuter et ne cesse de s’enrichir. Retrouvez les vidéos sur le site Arte Creative ou sur la page Vimeo dédiée.

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